Améliorer la vie des joueurs dans le métavers
Virtual Society. Mon nom annonce d’emblée la couleur. Je suis un jeu vidéo qui permet de créer des mondes virtuels et de les explorer, soit en solo, soit en y invitant des amis, soit en y accueillant toutes celles et tous ceux qui voudraient s’y aventurer. « C’est vraiment un "bac à sable social" dans le sens où les joueurs peuvent être créateurs du contenu du jeu, explique Nicolas Gauville, l’un de mes deux concepteurs, accompagné de Jimmy Etienne, tous deux docteurs en informatique. Le joueur a la possibilité d’inventer des personnages, des bâtiments, des dialogues ou encore des quêtes, et de les faire évoluer pour lui-même ou collectivement en les partageant avec d’autres joueurs. » Ma fonction première est d’amuser. Cette précision pourrait paraitre superflue lorsqu’il est question d’un jeu vidéo mais l’engouement récent pour les métavers auxquels on pourrait me comparer la rend cependant indispensable. « La plupart des métavers s’éloignent de plus en plus de la dimension divertissante du jeu vidéo pour devenir des places de marché où tout est à vendre et où la publicité est omniprésente. » Avec moi, rien de tout ça. Si les univers que je propose sont virtuels, les valeurs qui me portent et que je défends sont quant à elles bien réelles. Elles visent à développer la créativité et à promouvoir les interactions sociales positives et bienveillantes, car, comme le précise Nicolas, « le but est de contribuer à améliorer la vie des gens à travers le jeu ».
Échanges et inclusivité : mes deux valeurs fondamentales
Mon développement est lié au contexte particulier mis en place pour lutter contre l’épidémie de Covid 19, qui a restreint les relations sociales et généré beaucoup de solitude. « Pendant nos thèses, nous avions l’habitude de jouer à des jeux de société entre doctorants durant la pause déjeuner. Comme, avec le confinement, ce n’était plus possible, j’ai eu l’idée de reprendre un jeu vidéo que j’avais développé pendant près de huit ans sur mon temps libre, sans intention de le commercialiser. Il s’agissait de proposer un outil supplémentaire pour garder un contact ludique avec les amis d’abord puis avec toute personne qui le souhaiterait. »
Face au succès rencontré, Nicolas et Jimmy décident de me faire évoluer en s’appuyant sur les retours de joueurs de plus en plus nombreux (près d’un millier !). Le résultat, c’est moi. « Juste avant nos soutenances, nous avons rejoint l’Inria Startup Studio dans l’optique de monter un studio de création de jeux vidéo dont le premier sera Virtual Society, puis d’autres développés autour des mêmes fondamentaux éthiques. » S’il fallait résumer ces fondamentaux en deux mots : échanges et inclusivité.
Verbatim
En testant Virtual Society pour ma chaîne YouTube, j’ai vraiment été séduite par sa créativité ainsi que par son inclusivité concernant, par exemple, les différentes facettes de la communauté LGBTQIA+. Avec son mélange de déco, de mini-jeux dans un métavers ou encore ses possibilités en termes de roleplay, il offre toutes sortes de potentialités en fonction de vos envies de jeu.
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Apprendre en s’amusant
« Des études ont montré que le jeu vidéo peut permettre de briser le cercle vicieux de la solitude en retissant du contact social. Lorsqu’un jeu propose des espaces où toutes les interactions sont bienveillantes, comme c’est le cas pour Virtual Society, les joueurs sont incités à transposer ce qu’ils y vivent dans le monde réel. » Ce n’est plus le virtuel pour échapper à la réalité mais, au contraire, le virtuel pour la réinvestir et l’enrichir. Telle est ma vocation éducative. Car s’il y a une chose dont Nicolas et Jimmy sont persuadés, c’est qu’apprendre est toujours plus facile en s'amusant. »
« Quant à l’inclusivité, elle s’applique à deux niveaux. D’une part sur les types de personnages que je permets de créer, sans a priori morphologique ou genré, et en représentant différentes particularités (handicaps moteurs, utilisation de la langue des signes, etc.), de l’autre sur mon accessibilité. « Nous développons le jeu de façon que des personnes qui seraient porteuses d’un handicap moteur, visuel ou autre, puissent en profiter pleinement. Concrètement, cela passe, par exemple, par des adaptations des couleurs et polices pour les joueurs atteints de troubles dyschromatopsiques (plus communément appelés daltonisme lorsque ceux-ci sont d’origine congénitale). »
Si j’ai encore un peu de chemin à faire pour atteindre la pleine maturité, mon avenir est déjà bien tracé : « Notre objectif est de présenter un premier prototype viable à la fin de cette année, puis de recruter de nouveaux collaborateurs pour développer les parties artistique et marketing sur les deux ans à venir. »
« Nous savions développer des jeux vidéo mais pas une entreprise. »
Après une préparation intégrée d’école d’ingénieurs et un master en intelligence artificielle à la faculté de Nancy, Nicolas Gauville soutient une thèse sur la robotique autonome avec Safran Electronics & Defense à Inria. Jimmy Etienne, qui est passé par le même master, a quant à lui soutenu une thèse sur l’impression 3D courbe, au sein du Loria. Au moment où ils se lancent ensemble dans la conception de Virtual Society, ils ont déjà l’un et l’autre une longue expérience de la création de jeux vidéo qu’ils pratiquent depuis le lycée, Nicolas ayant même écrit des cours à ce sujet pour un centre de formation et Jimmy participé à la rédaction d’un livre consacré à la création de jeux avec Blender, un outil de modélisation 3D en open source.
Lorsqu’ils annoncent leur intention de monter un studio de création de jeux vidéo, leurs directeurs de thèse les orientent tout naturellement vers Inria Startup Studio au sein duquel ils trouvent le soutien matériel et humain nécessaire au développement de leur projet. « Outre l’hébergement, nous avons pu bénéficier d’un salaire pour deux personnes pendant un an. Ce qui est très important également, ce sont les liens qui se créent avec les équipes de recherche présentes au sein de la structure ainsi que la possibilité de s’insérer dans un réseau constitué. Grâce au service de communication d’Inria nous avons aussi pu participer à un salon autour des jeux vidéo en février dernier au Féru des sciences. » Depuis peu, cet accompagnement est renforcé par celui de l’Incubateur Lorrain et du Pôle Entrepreneuriat Étudiant de Lorraine (PEEL). Trois soutiens indispensables, car, comme le confessent Nicolas et Jimmy, « nous savions inventer et développer des jeux vidéo mais pas une entreprise. » Dorénavant, si.
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