Le 15 avril 2019, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire présentait, à l’occasion de la Paris Blockchain Conference, la stratégie nationale blockchain. Fruit d’un travail mené par la Direction générale des Entreprises avec l’ensemble de l’écosystème de la blockchain en France, celle-ci a pour ambition de faire de l’Hexagone une "nation de la blockchain" en lançant quatre axes de travail :
- Renforcer l’excellence et la structuration des filières industrielles françaises pour déployer des projets basés sur les technologies de registres distribués ;
- Être à la pointe des enjeux technologiques ;
- Encourager les projets innovants s’appuyant sur les technologies de registres distribués ;
- Accompagner et sécuriser les porteurs de projets blockchain dans leurs questionnements notamment juridiques et réglementaires.
Analyser le secteur hexagonal de la blockchain pour mieux se positionner sur le marché mondial
Dans le cadre du second axe de cette stratégie, "être à la pointe des enjeux technologiques", le ministre de l’Économie des Finances et de la Relance, la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le secrétaire d’État chargé du Numérique ont confié au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), à l’IMT (institut Mines-Télécom) et à Inria la rédaction d’un rapport visant à « définir avec précision l’ensemble des verrous technologiques et techniques » autour de la blockchain.
Les auteurs du rapport « Les verrous technologiques des blockchains » :
- Sara Tucci-Piergiovanni (chef de laboratoire au CEA LIST) ;
- Gérard Memmi (professeur et chef de département à Télécom Paris) ;
- Agnès Lanusse (ingénieur chercheur senior au CEA LIST) ;
- Gilles Jacovetti (ingénieur pédagogique à l’IMT Atlantique) ;
- Georges Gonthier (chercheur senior Inria) ;
- Patrick Duvaut (directeur de l’innovation à l’IMT) ;
- Stéphane Dalmas (conseiller innovation auprès de la direction générale d’Inria)
Cette mission, qui a officiellement débuté en juin 2019, a ainsi réuni une équipe de sept chercheurs et ingénieurs autour du sujet de la blockchain, parmi lesquels Georges Gonthier et Stéphane Dalmas, respectivement chercheur senior Inria et conseiller innovation auprès de la direction générale d’Inria.
« L’idée n’était pas tant de faire un rapport sur le fonctionnement de la blockchain, mais d’analyser quels étaient les problèmes techniques rencontrés par le secteur en France, afin de déterminer comment la recherche et l’industrie pouvaient y remédier », explique Georges Gonthier, chercheur senior Inria.
Un travail en deux étapes
La mission, d’une durée de sept mois, a débuté par une série d’entretiens avec 48 acteurs du secteur, appartenant au public qu'au privé, ayant une expérience claire des verrous technologiques de la blockchain : industriels, startups, chercheurs, ou encore grandes institutions financières.
Verbatim
Nous avons passé beaucoup de temps sur cette première partie. Nous avons essayé de nous rendre à chaque entretien tous ensemble la plupart du temps, afin de bien saisir toutes les nuances des réponses des auditionnés avec nos sensibilités différentes. Cela a servi de socle pour la suite de la mission.
Conseiller innovation auprès de la direction générale d’Inria
Ces auditions, organisées en deux parties avec, d’une part, des questions similaires à tous permettant d’avoir un point de comparaison, et d’autre part des questions libres, adaptées à chacun et leur offrant la possibilité de donner libre cours à leurs réflexions, ont en effet permis aux membres de la mission d’identifier 18 verrous en les traitant par "préoccupation" (sécurité, passage à l’échelle, interopérabilité, etc.) puis de les classer selon leur maturité et leur potentiel de rupture.
Dans un second temps, trois cartographies ont été réalisées : une première sur les laboratoires de recherche travaillant dans le domaine de la blockchain, une seconde sur les offres d’enseignement aujourd’hui en France, incluant une comparaison avec ce qui se fait dans les plus grandes universités mondiales et une dernière sur les startups françaises les plus actives sur ces technologies. L’objectif pour les chercheurs impliqués : analyser la capacité de l’écosystème français à lever les verrous.
« Ces deux étapes nous ont permis d’identifier, d’un côté, les ressources disponibles en France qui pouvaient nous permettre de gagner du terrain sur le marché mondial, et d’un autre côté les points sur lesquels il était nécessaire de combler nos lacunes », explique Georges Gonthier, avant d’ajouter : « Nous avons, par exemple, pu déterminer que nous avions des forces sur les langages de programmation, mais à l’inverse qu’il fallait pouvoir dégager plus d’activité sur le pilier cryptographique, qui est un vecteur potentiel d’innovation. »
14 recommandations pour faire de la France un pilier dans le domaine
Au terme de cette mission, les chercheurs ont proposé un ensemble de recommandations pour favoriser la levée de ces verrous, et plus généralement le développement des technologies blockchain au bénéfice de la société et du monde économique.
Sur la recherche :
- 1 : Encourager les collaborations et travaux communs entre spécialistes de différentes disciplines ;
- 2 : Promouvoir l’intérêt et la valeur des compétences françaises en matière de langages ;
- 3 : Amplifier l’effort de recherche français dans le domaine privacy ;
- 4 : Focaliser une partie de nos compétences en génie logiciel sur les problèmes spécifiques des infrastructures et des applications blockchain ;
- 5 : Étudier la création d’un Institut international interdisciplinaire de la Blockchain.
Sur l’innovation :
- 6 : Lancer une grande action d’innovation sur les sujets conception – validation – benchmarking ;
Sur la confiance numérique :
- 7 : Le développement de nouvelles compétences de certification des produits et services utilisant la blockchain ;
- 8 : Entamer une réflexion sur la certification ;
- 9 : Lancer un projet visant à mettre en production un service d’identité numérique, évolutif, modulaire, pour les personnes physiques et morales ;
Sur l’appui aux politiques publiques :
- 10 : Créer un comité consultatif, issu de la recherche publique, pour soutenir l’état sur les questions technologiques liées à la Blockchain ;
Sur les liens recherche – startups :
- 11 : Favoriser et promouvoir la collaboration entre recherche publique et startups du domaine ;
Sur l’enseignement :
- 12 : Mise en place par les organismes d’enseignement supérieur de formations spécialisées au niveau master, d’ingénieurs R & D spécialisés et d’ingénieurs d’application ;
- 13 : Favoriser les formations en alternance, dans les laboratoires de recherche et développement du domaine ;
- 14 : Développer une offre de MOOC et supporter les projets existants sur le sujet (offre hébergée par exemple sur par la plate-forme FUN), créer des outils spécifiques permettant un haut niveau d’interactivité aux apprenants.
Le détail des verrous et des recommandations proposées par l’équipe de chercheurs de la mission est à retrouver dans le rapport "Les verrous technologiques des blockchains", téléchargeable intégralement ci-dessous.