Irène Vignon-Clementel ou la simulation numérique au service des chirurgiens

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Mis à jour le 27/09/2024
Irène Vignon-Clementel, directrice de recherche dans l’équipe commune REO (Inria, Sorbonne Université (UPMC),CNRS), a obtenu une bourse ERC Consolidator Grant pour ses travaux en simulation numérique. Ses recherches sur la biodynamique des fluides visent à comprendre les changements de circulation du sang dans les organes suite à des interventions chirurgicales. Son objectif est de concevoir un simulateur permettant d’anticiper, avant une opération, l’évolution des flux sanguins chez un patient.
Irène Vignon
© Inria / Photo G. Scagnelli

 

C’est au cours de son master en mathématiques appliquées et physique théorique à l’université de Cambridge, qu’Irène Vignon-Clementel suit un cours du professeur Pedley sur les biofluides. Cette expérience fera naître en elle l’envie d’appliquer la mécanique des fluides au domaine de la santé.

C’est vraiment ce professeur qui m’a donné le goût pour ce genre de travaux. J’ai ensuite fait ma thèse à l’université américaine de Stanford avec le professeur Taylor, et j’ai trouvé cela très intéressant. J’avais envie d’aller plus loin sur les applications cliniques des simulations numériques, explique-t-elle. Je voulais relier les sciences et la médecine, pour une utilité sociétale et humaine.

Le Cardiovascular Biomedical Research Laboratory, à l’université de Stanford, où la jeune chercheuse réalise sa thèse de 2001 à 2006, est l’un des premiers au monde à avoir utilisé des données de patients dans les simulations numériques. À son retour en France, Irène Vignon-Clementel obtient directement un poste de chargée de recherche à Inria au sein de l’équipe REO et travaille sur un projet visant à étudier les différentes composantes du cœur.

 

Des travaux pionniers en France

« Une des raisons pour lesquelles j’ai été recrutée était probablement mon expérience en matière d’utilisation des données de patients, que j’avais héritée de l’université de Stanford. À cette période, ce genre de travaux n’existait pas encore en France. Ce qui m’avait attiré chez Inria, c’est l’ouverture de cet institut à l’interdisciplinarité et sa volonté d’aller jusqu’au transfert, en entreprise ou à l’hôpital, avec un réel accompagnement des chercheurs. »

Irène Vignon-Clementel travaille alors sur différentes maladies congénitales cardiaques, notamment des malformations du cœur ou de vaisseaux associés, des pathologies assez lourdes pour les patients et pour lesquelles peu de données étaient à disposition.

Ce qui m’intéressait, c’était aussi de travailler avec des médecins, de comprendre leurs problèmes, et de les aider à relever des challenges et à trouver réponse à leurs questions, précise-t-elle.

Durant les années qui suivent, Irène Vignon-Clementel travaille sur la ventilation, la respiration et le dépôt d’aérosols (particules) dans les poumons. Elle débute en parallèle des recherches sur le foie. « En 2012, j’ai été contactée par le Professeur Vibert (APHP*, Inserm**) qui souhaitait mieux comprendre les problèmes postopératoires liés au foie, organe qui a la capacité de se régénérer après une ablation partielle. Le but était de savoir s’il était possible de prédire, avec la simulation numérique, les changements de pression sanguine et de débit après un acte chirurgical », relate-t-elle.

 

La simulation numérique pour faciliter l’innovation : un exemple d’application

Irène Vignon-Clementel et ses collègues de l’hôpital Paul Brousse, à Villejuif, collaborent actuellement avec le Professeur Line de l’Oslo University Hospital, chirurgien norvégien qui a développé la technique RAPID : cette méthode consiste à réaliser une transplantation partielle du foie, en différentes étapes, afin de n’utiliser qu’une partie des greffons. Une technique qui pourrait se révéler très efficace pour greffer des patients malades tout en "économisant" les organes disponibles. Mais à l’heure actuelle, elle peut parfois provoquer des hypertensions sanguines à certains stades de l’opération. Avec un simulateur numérique, il serait possible de mieux comprendre comment se produisent ces hypertensions, d’identifier les cas où la méthode RAPID pourrait être utilisée, et ainsi d’optimiser l’usage des greffons pour les patients.

Modéliser les flux sanguins chez l’Homme

La bourse ERC Consolidator Grant permettra à Irène Vignon-Clementel de poursuivre ses travaux sur le foie et sur les maladies congénitales. Son équipe est aujourd’hui parvenue à expliquer et modéliser, chez l’animal, l’évolution de la pression et du débit sanguins dans le foie après une ablation. Le but des scientifiques consiste maintenant à modéliser différents aspects de la circulation sanguine chez l’Homme. 

« Nous allons nous intéresser aux organes entiers, mais aussi à leurs différentes parties et à plusieurs échelles, notamment au niveau microscopique », poursuit Irène Vignon-Clementel. 

Nous voulons savoir comment certaines maladies, comme l’hypertension pulmonaire ou la cirrhose par exemple, modifient les organes. Ensuite nous tenterons d’employer des données d’imagerie non invasive, obtenues en IRM ou scanner. Si nous parvenions à mieux utiliser ces données, nous pourrions mieux comprendre l’état des organes avant les interventions chirurgicales.

Concevoir un simulateur numérique utilisable en clinique

À terme, l’équipe souhaite concevoir un simulateur numérique qui permettrait de planifier les interventions médicales en fonction de l’état des organes des patients, et qui soit réellement utilisé en pratique par les cliniciens. Cette bourse ERC Consolidator Grant est un financement très adapté à notre projet car il y a de nombreuses composantes à étudier et nous devons faire appel à plusieurs spécialités", souligne Irène Vignon-Clementel. « Ce financement va nous permettre d’embaucher de jeunes chercheurs cliniciens et en même temps de jeunes chercheurs en simulation. Habituellement, ces financements sont distincts. Cette bourse s’étale sur cinq ans et nous espérons parvenir à concevoir le simulateur dans les temps. »

Son rêve pour les années à venir ?

J’aimerais améliorer la manière d’appréhender les maladies et les actes chirurgicaux dans ce domaine, afin d’apporter aux chirurgiens et aux cardiologues interventionnels des solutions pour mieux anticiper leurs gestes et les problèmes liés aux interventions

La simulation numérique peut notamment s’avérer très utile aux médecins ayant encore peu d’expérience dans ces pathologies, ou pour des besoins de formation. Un tel outil permet en outre de tester de nouvelles idées d’opérations chirurgicales, en limitant la prise de risque pour les patients et en anticipant mieux la réaction des organes aux interventions.

 


*APHP : Assistance publique hôpitaux de Paris

** Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale

 

Ce projet est financé par l’European Research Council (ERC) dans le cadre du programme Horizon 2020