Un virage à 180 degrés nécessaire
Le numérique, moteur d'innovations et de transformations sociétales, est également un secteur confronté à une trajectoire environnementale préoccupante. Alors que l’Union internationale des télécommunications propose une trajectoire compatible avec l’accord de Paris impliquant une réduction de 45 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur d’ici 2030, une étude conjointe de l’Arcep et de l’ADEME prévoit une augmentation de ces émissions de 45 % sur la même période, uniquement en France, si les tendances actuelles persistent. Ce constat souligne l’urgence de repenser radicalement la manière dont les technologies numériques sont conçues et déployées.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le pilier numérique écoresponsable du Programme « numérique et environnement » d’Inria, lancé en 2022, afin d’accompagner au mieux les actions et les grands projets que pilote Inria sur les grands défis du numérique pour l’environnement, mais aussi de se saisir de l’impact environnemental du numérique.
Cet axe du programme « numérique et environnement », qu’on peut nommer « le numérique face à lui-même », vise à mesurer, évaluer, réduire et maîtriser les impacts environnementaux du numérique. Ses travaux et projets reposent sur trois objectifs majeurs : produire des contributions scientifiques et techniques, accompagner les politiques publiques sur ces sujets, et enfin diffuser la connaissance.
« Inria accompagne différents acteurs du numérique dans la réalisation d’études, la création de modèles et de référentiels qui permettent de standardiser la manière dont nous évaluons les impacts environnementaux du numérique. L’un des objectifs étant d’outiller le débat public en permettant le développement de méthodologies qui soient adoptées par les entreprises de différents secteurs liés au numérique. C’est le cas par exemple des Règles de Catégories Produits (RCP) portées par l’ADEME auxquelles nous contribuons », explique Benjamin Ninassi, adjoint au responsable du programme « Numérique et Environnement » d’Inria.
Observer et comprendre pour agir
Depuis l’adoption de la Loi REEN (loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France), Inria travaille ainsi en collaboration avec l’ADEME et l’Arcep pour structurer des outils et référentiels qui répondent aux objectifs environnementaux fixés par la France. Ces initiatives se traduisent notamment par la création de l’Observatoire des impacts environnementaux du numérique, un organe clé ayant pour objectif de fournir des données fiables et des outils d’analyse permettant d’éclairer les décisions publiques et privées.
Parmi les réalisations phares de cet observatoire auxquelles Inria a contribué, figure le Référentiel général d’écoconception de services numériques. Ce guide, inspiré des initiatives réglementaires comme le RGPD ou le RG2A fournit aux entreprises un cadre clair pour intégrer l’écoconception dans leurs pratiques et ainsi limiter l’impact écologique des services numériques. Il ambitionne d’être un standard pour l’industrie, en soutenant la transition vers des pratiques plus durables.
Parallèlement et toujours dans le cadre de l’Observatoire des impacts environnementaux du numérique, Inria a participé à une vaste étude historique et prospective sur les métaux critiques nécessaires à l’industrie numérique. Menée par l’ADEME, ces travaux ont exploré les implications géostratégiques et environnementales de l’extraction et de l’utilisation de ces ressources, tout en offrant des pistes pour une gestion plus durable de ces matériaux.
L’étude IT For Green, illustre enfin une autre facette de ce pilier. Ce projet se concentre sur les bénéfices environnementaux des solutions numériques, cherchant à quantifier les gains environnementaux qu’elles peuvent générer dans divers secteurs. Ces travaux enrichissent la compréhension des interactions complexes entre numérique et environnement, en identifiant les leviers positifs existants.
ALT IMPACT : Au-delà de l’observation et de la mesure
Inria mène également, pour répondre aux objectifs qu’elle s’est fixés dans son programme « numérique et environnement », des actions concrètes pour inverser les tendances actuelles. Le programme ALT IMPACT, coporté avec l’ADEME et le CNRS, est au centre de cette ambition. Avec un financement d’environ 15 millions d’euros, ce projet vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique de manière absolue, en déployant la sobriété numérique.
Verbatim
Nous considérons qu’il faut cumuler des gains d’efficacité avec le déploiement d’une forme de sobriété pour inverser les dynamiques et les tendances sur les usages du numérique. Nous voulons sensibiliser le grand public, mais aussi former et outiller les professionnels.
ALT IMPACT s’articule ainsi sur trois axes :
Le premier concerne la construction et le déploiement d’initiatives de formation et de sensibilisation, pour préparer notamment les concepteurs de demain à intégrer des pratiques responsables dans leurs métiers. Le MOOC Inria baptisé "Impacts environnementaux du numérique", lancé en 2021, va être mis à jour et enrichi en 2025 et permet de toucher un large public, des étudiants aux professionnels. De plus, un référentiel de compétences sur la sobriété numérique a été conçu à destination des organismes de formation. Son intégration dans la nouvelle certification PIX+ Numérique Responsable va permettre sa large diffusion jusqu’en école d’ingénieur.
Le second, l’axe scientifique et technique du programme, prévoit la création d’une base de données ouverte sur les impacts environnementaux des équipements et services numériques, et la réalisation de Règles de Catégories Produits (RCP) pour standardiser certaines méthodologies de calcul. Ces outils permettront aux entreprises de mieux comprendre et évaluer les effets écologiques des technologies qu’elles utilisent.
Le troisième axe concerne le déploiement dans les organisations, entreprises et collectivités, de stratégies numériques responsables et la mise en action transformante des deux premiers axes.
L’ensemble de ces actions s’inscrit dans une démarche ambitieuse : rendre nos usages numériques plus alignés avec une trajectoire soutenable, notamment sur les objectifs environnementaux définis par l’Accord de Paris. Au travers de ses recherches, ses collaborations et son programme « numérique et environnement », Inria joue un rôle déterminant dans cette transformation.