Cancer du sein : anticiper la réponse au traitement ou le risque de rechute
En France, le cancer du sein demeure un enjeu de santé majeur, représentant la seconde cause de mortalité chez les femmes après les accidents vasculaires cérébraux (AVC). En 2023, Santé public France enregistrait près de 12 000 décès liés à cette pathologie. La précision dans le diagnostic et dans le traitement est donc cruciale pour améliorer les taux de survie de nombreuses femmes.
L'équipe-projet Monc du Centre Inria de l’université de Bordeaux, spécialisée en modélisation mathématique pour l’oncologie, travaille notamment sur ce type de maladie. Pour cela, les scientifiques de l’équipe analysent les lames histologiques issues de biopsies ou de pièces chirurgicales. Ces lames, teintées pour révéler les noyaux et les cellules, offrent des images d'une résolution extrêmement élevée (jusqu'à 100 000 pixels par 100 000). La taille colossale de ces images rend leur analyse intégrale difficile, mais grâce aux travaux de l’équipe-projet Monc, il est tout de même possible d’en tirer des informations essentielles.
Pour traiter ces images, la méthode consiste à les diviser en tuiles, c’est-à-dire des sous-ensembles d'images plus petites, facilitant ainsi leur gestion. Chaque lame peut être découpée en environ 10 000 tuiles, permettant un travail de classification à partir d'un échantillonnage représentatif. Les scientifiques de l’équipe utilisent ensuite de l'apprentissage profond multi-instance, c’est-à-dire une technique d’intelligence artificielle où un ordinateur va apprendre à partir de nombreuses petites parties (ici les tuiles) d’une grande image (la lame), afin de comprendre et de prendre des décisions sur l’ensemble sans avoir à tout analyser d’un coup. Ce processus permet de caractériser le profil biologique des échantillons et d'anticiper la réponse au traitement ou le risque de rechute.
Un autre objectif précis est d’étudier des alternatives à des marqueurs de risque commerciaux pour certains types de cancer du sein, afin de prédire la probabilité de récidive ou la réponse au traitement du cancer. En développant des méthodes pour identifier ces marqueurs directement à partir des lames histologiques, les scientifiques pourraient réduire les coûts associés pour les hôpitaux publics et rendre ces informations plus accessibles, améliorant grandement le confort des patientes et patients.
Cancer de l’utérus : palier les problèmes de diagnostics grâce aux algorithmes
Le cancer de l'utérus représente également une menace sérieuse pour la santé des femmes, étant l'une des principales causes de mortalité pour des motifs d'origine gynécologique. Cette pathologie se caractérise par une croissance anormale des cellules dans l'endomètre - la muqueuse utérine - et nécessite une attention particulière en raison d'une part de son impact significatif sur la qualité de vie et d'autre part des options thérapeutiques disponibles. En outre, certains cas sont difficiles à diagnostiquer, rendant difficile la détermination de leur degré d’agressivité. Pour palier cela, l'analyse des lames de biopsie, encore une fois, est au cœur de cette recherche. Cependant, le faible nombre de patientes nécessite une approche multicentrique, impliquant des lames provenant de différents hôpitaux et même de différents pays, chacun ayant des méthodes de coloration différentes. En France, par exemple, la coloration au safran est courante mais coûteuse, rendant son utilisation difficile à généraliser à l'international, malgré le fait qu’elle permette d’avoir des détails plus précis.
Pour harmoniser les données provenant de diverses sources, l'équipe-projet Monc travaille sur des algorithmes capables de normaliser les différences de coloration entre les lames. Cela permet d'appliquer des méthodes d'apprentissage multiensembles robustes malgré les variations.
Une recherche translationnelle
La compréhension des cancers est une problématique complexe qui mobilise des recherches dans de nombreuses disciplines, bien au-delà de la médecine, telles que la biologie, la physique et les sciences humaines et sociales. À travers son expertise en modélisation mathématique, en étroite interaction avec les données biologiques et cliniques, l'équipe-projet Monc conduit des recherches sur des aspects variés allant de la biologie à la personnalisation des traitements, en passant par le guidage des thérapies.
L'équipe s'appuie sur une combinaison de méthodologies, incluant l'apprentissage automatique, la modélisation par équations différentielles, l'analyse d'images, et l'assimilation de données. Cette diversité d'approches se situe au cœur de la recherche translationnelle, avec un impact qui s'étend des mathématiques jusqu'à l'application clinique.