La blessure, bête noire des sportifs et sportives de haut niveau
Entorses, fractures, tendinites ou encore élongations… Bien que courantes chez les athlètes d'élite, les blessures musculosquelettiques sont la hantise des acteurs du monde du sport. Et pour cause : de simples lésions peuvent entrainer une diminution des performances voire pire, un temps d’arrêt total de la compétition couplé d’une réhabilitation complexe et longue.
Des conséquences psychologiques et financières lourdes pour les sportifs et les équipes qui les entourent, qui ont poussé les entraineurs et plus largement les fédérations sportives à s’intéresser à la problématique de la prévention des blessures. Ces lésions, qui varient selon les disciplines sportives, résultent pour la plupart d'une combinaison complexe de facteurs environnementaux, médicaux, biologiques ou liés à la charge de travail, rendant difficile l'identification précise, à l’œil nu, du mécanisme conduisant à chaque blessure.
La donnée du sportif, élément clé de l’identification d’une blessure
C’est là tout le rôle, dans un premier temps, de la collecte de données. Massivement adoptés dans le domaine du sport, capteurs et objets connectés permettent de recenser une gigantesque quantité d’informations sur les athlètes : fréquence cardiaque, cadence de course, vitesse et distance parcourue, ou encore intensité des chocs, qualité des appuis et potentiels déséquilibres et asymétries, tout est consigné dans le but d’être analysé.
L’objectif : identifier les conditions propices au déclenchement de blessures, et anticiper, au cas par cas, à partir de quelle charge ou intensité sportive un joueur aura plus ou moins de risques de finir par se blesser. Ces analyses permettent ainsi aux entraineurs de prendre des décisions éclairées, et d’adapter la charge de travail à chaque athlète pour éviter une potentielle blessure.
Des outils pour donner du sens aux données
De nombreux chercheurs et chercheuses en sciences du numérique se sont penchés, ces dernières années, sur le développement d’algorithmes et d’outils dédiés à la prévention de ces blessures.
En gymnastique, discipline dans laquelle il y a une forte incidence des blessures, des recherches sont par exemple menées dans le but de prédire la charge lombaire lors des réceptions des athlètes. L'objectif : développer des outils qui puissent être adaptés à des mesures sur le terrain, à l'entraînement, pour pouvoir quantifier la charge mécanique qui s'exerce sur le corps lors de réceptions de sauts, et ainsi prévenir de potentielles lésions.
Les modèles de substitution humains développés dans le cadre de certains projets de recherche permettent, également, de saisir des conditions de charge précises et des données de réponse biologique, et d'exécuter des milliers d'itérations de scénarios d'essai afin d'optimiser l’entrainement de l’athlète.
C’est par exemple le cas du projet REVEA, qui regroupe les fédérations d'athlétisme, boxe et gymnastique dans l’objectif de fournir aux athlètes un ensemble de méthodes et d'outils d'entraînement innovants et complémentaires en réalité virtuelle, permettant notamment de densifier et de varier l'entraînement sans augmenter les charges physiques associées. En boxe, notamment, l’outil permet de travailler l’anticipation des attaques de l’adversaire, sans en encaisser les coups et donc risquer de se blesser.
Verbatim
L’un des avantages de la réalité virtuelle, c'est qu'on peut s'entraîner sans se blesser, mais aussi quand on est blessé. Donc ça permet d'optimiser ne serait-ce que le temps d'entraînement des boxeurs et des coachs via ces outils, et éviter des dégâts qui pourraient, à long terme ou via la répétition, réduire la capacité d'entrainement
Ingénieur au laboratoire M2S et impliqué dans le PPR REVEA
Le laboratoire M2S et l’équipe-projet MimeTIC ont également été en charge, ces dernières années, du PPR BEST-TENNIS, un projet d’accompagnement des joueurs de la Fédération Française de Tennis (valides et en fauteuil), afin de les aider à optimiser la performance du service et du retour de service. Le but : améliorer leur geste, mais aussi réduire le risque de blessure : « Quand un joueur vient nous voir en nous disant qu’il s’est blessé, on essaie de comprendre pourquoi. À partir des positions de marqueurs, on arrive à estimer les contraintes articulaires imposées au corps du joueur et expliquer que, par exemple au niveau de l’épaule, on a des forces qui s’appliquent et se couplent à une forte rotation externe, qui peut amener énormément de contraintes au haut niveau de l'épaule et donc potentiellement des blessures », explique Simon Ozan, doctorant en biomécanique au laboratoire M2S. Une fois le diagnostic établi, des pistes d’entrainement et des modifications techniques sont proposées aux athlètes et à leurs équipes encadrantes.
Ces dernières devront ensuite intégrer à leur réflexion des variables subjectives, telles que la qualité du sommeil, la forme, l'état psychologique, ou encore la motivation de leurs athlètes, qui s’avèrent être, également, des facteurs importants dans la prédiction des risques de blessure. Ces premières informations permettent de guider la programmation individualisée des entraînements de façon à réduire le risque de blessure, en fonction des problématiques de chaque athlète. Pour les chercheurs et chercheuses, un des enjeux majeurs est de porter ces méthodologies vers le terrain, sans avoir recours à des techniques lourdes de laboratoire.