Jumeau numérique

AnaestAssist : des outils d’aide à la décision pour les anesthésistes-réanimateurs

Date:
Mis à jour le 19/04/2023
Le projet de startup AnaestAssist propose une solution de monitorage augmenté du système cardiovasculaire, grâce à un jumeau numérique du patient. Cette technologie s’appuie sur près de 20 ans de recherches menées par Inria et l’AP-HP, et notamment sur des résultats de recherche obtenus par l'équipe-projet MΞDISIM (Centre Inria de Saclay).
AnaestAssist

 

L’anesthésie-réanimation est un secteur clé du système hospitalier, qui a énormément évolué ces vingt dernières années. Les progrès dans le domaine sont tels que la mortalité au bloc opératoire atteint désormais un niveau remarquablement bas.

Pourtant, et malgré la réduction des risques de l’anesthésie durant la chirurgie, il est encore difficile pour le patient d’éviter certaines complications qui résultent notamment d’instabilités du système cardiovasculaire. Parmi celles-ci, l’hypotension concerne, à des degrés divers, près de 70 % des patients durant l’anesthésie. Dans les cas les plus graves, elle cause chez les patients des problèmes cardiaques, cérébraux, ou rénaux.

« On a éliminé les grosses erreurs qui pouvaient se manifester au bloc. Les défauts dans la prise en charge se répercutent aujourd’hui dans la phase post-opératoire », explique François Kimmig, porteur du projet AnaestAssist.

Des informations ponctuelles pour une vision incomplète de l’état du patient

Mais comment expliquer cette difficulté à éviter les "effets secondaires", parfois graves, de l’anesthésie lors d’une chirurgie ?

Au bloc opératoire, l’anesthésiste essaie de maintenir le patient dans un état hémodynamique stable malgré les perturbations liées à la chirurgie. Pour cela, il a besoin de connaitre l’état du patient.

Le suivi de l’état du patient se fait au travers de moniteurs qui regroupent de l’information issue de capteurs divers installés sur le patient : pression artérielle, taux d’oxygénation du sang… Cependant, ceux-ci ne sont pas suffisants : « Les informations sont localisées, et ne donnent pas une vision complète de l’état du patient », indique François Kimmig, avant de préciser « l’anesthésiste-réanimateur sait par exemple quelle est la pression dans le bras, mais cela ne le renseigne pas sur l’ensemble du système cardiovasculaire. En particulier, il n’a pas d’information directe sur le cœur qui est le moteur du système. Il doit souvent essayer plusieurs stratégies avant de trouver la clé pour stabiliser le patient ».

Les médicaments à disposition des anesthésistes ont des "fenêtres thérapeutiques" étroites et les dérives de l’état du patient surviennent en quelques minutes. Leur usage requiert donc précision et réactivité.

Le monitorage est la porte d’entrée de la prise en charge. Il y a un vrai besoin d’outils avec plus de précision pour connaitre l’état du patient et guider les stratégies thérapeutiques.

                                                                                                                                                      François Kimmig

Faciliter l’interprétation de signaux physiologiques mesurés sur les patients

C’est sur ce constat que s’est créé le projet AnaestAssist, qui développe un outil de monitorage augmenté du système cardiovasculaire grâce à un jumeau numérique du patient. L’objectif : affiner la stratégie de gestion du patient afin d’éviter les complications et réduire la durée d’hospitalisation, ce qui permettra également aux hôpitaux de réaliser des économies.

Le projet, porté par François Kimmig depuis 2019, repose sur les travaux de recherche des chercheurs Dominique Chapelle et Philippe Moireau (équipe-projet MΞDISIM), qui travaillent depuis de nombreuses années sur des modèles du cœur et de la circulation, et qui ont été parmi les premiers à démontrer les capacités prédictives de ces modèles dans des cas d’application clinique, notamment en cardiologie. Depuis 2016, l’équipe MΞDISIM collabore également avec Fabrice Vallée, médecin anesthésiste à l'hôpital Lariboisière, qui est également impliqué dans le projet AnaestAssist.

« Fin 2019, à la fin de ma thèse, des preuves de concept avaient été réalisées sur cette idée de monitorage augmenté pour l’anesthésie. Inria Startup Studio donnait une bonne opportunité de se lancer. Si on voulait voir nos développements de recherche aller au chevet du patient, c’était la voie qu’il fallait suivre », explique François Kimmig.

Inria et l’AP-HP : une collaboration de longue date

Depuis 2015, le département d’anesthésie-réanimation des hôpitaux Lariboisière et Saint-Louis collabore avec des équipes du Centre Inria de Saclay. Ce partenariat a débuté grâce à l’obtention d’un poste d’accueil AP-HP - École polytechnique par le docteur Fabrice Vallée au sein de l’équipe MΞDISIM, spécialisée dans le développement de méthodes et outils mathématiques et numériques novateurs dans le domaine de la modélisation biomécanique des tissus et organes, avec un accent non exclusif sur le système cardiovasculaire.

Cette collaboration a été renforcée par la création, plus récemment, du laboratoire commun AP-HP – Inria Daniel Bernoulli (Bernoulli Lab). Placé sous la conduite scientifique de Dominique Chapelle, directeur de recherche Inria, il doit permettre d’accélérer la recherche et l'innovation en santé numérique, en rapprochant chercheurs en sciences du numérique et professionnels de santé.

L’outil AnaestAssist repose sur deux briques technologiques principales : un modèle prédictif du système cardiovasculaire du patient, et des méthodes mathématiques qui permettent de fusionner le modèle avec les données hémodynamiques des patients récoltées pendant l’anesthésie. Ce couplage permet d’ajuster les paramètres du modèle - qui est généraliste au départ - au patient en fonction de ses caractéristiques propres, et ainsi de créer un jumeau numérique du système cardiovasculaire du patient.

Ce jumeau numérique peut ensuite être "interrogé" pour reconstruire par le calcul des signaux physiologiques d’intérêt qui ne peuvent pas être mesurés, et calculer des biomarqueurs relatifs à la performance du cœur ou à l’état des vaisseaux. Le but : donner aux médecins une vision complète de l’état cardiovasculaire des patients et évaluer en avance des scénarios thérapeutiques et leur efficacité relative.

On leur fournit l’information sous une forme plus facile à comprendre, et plus précise. Le modèle va leur expliquer pourquoi un signal physiologique change de forme et la cause de ce changement

                                                                                                                                                       François Kimmig

Du prototype à la validation clinique interventionnelle

Aujourd’hui, l’équipe développe un prototype de son logiciel, dans le but de montrer la valeur ajoutée d’un tel outil sur la base de données réelles, dans un premier temps de manière rétrospective. Cette étape de validation clinique est réalisée en collaboration avec l’AP-HP, avec l’appui du Laboratoire Daniel Bernoulli.

Ensuite, l’objectif sera de valider la performance du système AnaestAssist en conditions réelles. « Notre objectif, à terme et une fois toutes les étapes de validation préliminaires passées, c’est la validation clinique interventionnelle », conclut François Kimmig.