1,7 million. C’est le nombre de personnes qui ont perdu la vie en 2020 en raison de maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde devant le cancer (1,2 million de morts) et le Covid-19 (439 000 morts). En France, les maladies cardiovasculaires représentent la deuxième cause de mortalité (140 000 morts par an) après les cancers, mais sont la première cause de décès chez les femmes tous âges confondus et chez les personnes très âgées. Elles sont aussi une cause importante de maladie et de décès précoces. Jusqu’à 50 000 personnes font un arrêt cardiaque soudain chaque année, dont environ 5% survivent.
L'ablation par cathéter représente, aujourd’hui, la procédure de référence pour prévenir et traiter les arythmies cardiaques, qui représentent la grande majorité des maladies cardiovasculaires. Mais cette procédure est très difficile du fait de la difficulté d'identification des zones cibles à traiter : « Les cardiologues, lorsqu’ils insèrent le cathéter, ne savent pas où ils doivent aller. Ils ont donc une première phase, qui peut durer plusieurs heures, d’exploration, pour comprendre quelles sont les zones qui sont responsables de la pathologie pour ensuite aller les cautériser », explique Maxime Sermesant, chercheur dans l’équipe-projets Epione et cofondateur d’inHEART.
Des résultats de recherche à la startup InHEART
Dès 2011, des équipes-projets du centre Inria d'Université Côte d'Azur collaborent ainsi étroitement avec le CHU de Bordeaux autour de l’utilisation de l’imagerie pour les interventions cardiaques, et notamment au travers du projet Liryc, l'un des six IHU (Instituts hospitalo-universitaires) créés sur le territoire national dans le cadre du programme d'investissements d'avenir avec l'objectif de dynamiser la recherche médicale et l'innovation.
Notre rôle, à ce moment-là, était d’accompagner le centre hospitalier dans le développement d’outils capables d’extraire des informations de l’imagerie médicale, afin de permettre aux médecins, grâce à une représentation en 3D, de savoir où aller et de connaître plus rapidement les zones problématiques.
Maxime Sermesant
Quatre ans plus tard, en 2015, la solution commence à bien fonctionner et surtout, intéresser des médecins du monde entier. La technologie est alors mise à disposition au sein d'un réseau de recherche universitaire (réseau MUSIC), plusieurs sites cliniques collaborant téléchargeant des images sur un serveur sécurisé et recevant en retour des modèles 3D à afficher pendant les interventions. Un succès, qui dépasse les attentes des scientifiques à l’origine du projet. « On recevait de plus en plus de cas et ça devenait trop lourd à traiter pour un centre académique dont ça n’est pas le rôle », indique Maxime Sermesant.
En 2017 est alors prise la décision de créer inHEART, une spin-off de l'IHU Liryc et d’Inria, avec pour objectif de proposer aux cardiologues un modèle de cœur virtuel personnalisé de leurs patients souffrant de troubles du rythme cardiaque, à partir d’images scanner et d'IRM (imagerie par résonance magnétique).
La startup, qui a obtenu l'approbation réglementaire CE en mai 2019 et l'autorisation de la FDA en 2022, a par ailleurs levé 3,7 millions d’euros auprès d’Elaia et de la SATT (société d’accélération du transfert de technologie) Aquitaine Science Transfert en 2020 afin d’accélérer sa stratégie commerciale. Aujourd’hui, elle se retrouve confrontée à une problématique de taille : transformer ses outils académiques en véritables produits cliniques, utilisés par et dans les hôpitaux dans les procédures cliniques d'ablation par cathéter des tachycardies ventriculaires.
« Pour s’engager, les hôpitaux ont besoin de données quantitatives sur l’utilité et l’efficacité de la solution, en termes de temps et d’argent. Obtenir ces données implique d’effectuer un essai clinique, ce qui représente de grosses sommes d’argent, et donc est compliqué à financer par une startup », indique Maxime Sermesant.
inEurHeart, un consortium européen pour aller plus loin
Le projet inEurHeart a donc été soumis à l’institut européen d’innovation et de technologie, co-financé par l’Union Européenne EIT Health (qui finance entre autre des projets dédiés à la santé numérique), avec pour objectif de démontrer l'efficacité de ces outils numériques lors d'interventions cardiaques. Lancé en janvier 2022 pour une durée de trois ans, il repose sur trois briques majeures :
- Une brique technologique, dont le but est de préparer les prochains produits de la startup inHEART en améliorant l’IA et la simulation.
- Une brique clinique permettant de comparer, grâce à une étude clinique réalisée sur 112 patients en Europe (dans 16 centres cliniques en Allemagne, Autriche, France et Suisse), une intervention standard et une intervention réalisée avec les outils d’inHEART. L’objectif : évaluer la valeur ajoutée de la solution développée par inHEART, notamment en termes de gain de temps et d’efficacité.
- Une brique médico-économique, avec l’université de Rotterdam, dont l’objectif est de réaliser une étude complète "coût-efficacité" de la technologie inHEART. Le but : permettre aux décideurs hospitaliers de connaître l'impact budgétaire de inHEART par rapport à la stratégie d'ablation conventionnelle par cathéter.
L’idée de ce projet est à la fois de préparer de nouveaux produits pour inHEART, et d’avoir des données fiables à présenter aux hôpitaux et décideurs pour accélérer l’intégration de notre solution dans les hôpitaux.
Maxime Sermesant
Le consortium européen et multidisciplinaire de six partenaires bénéficie, pour réaliser ses objectifs, d’un financement de l'UE via l'EIT Health de 2,5 millions d'euros. À terme, inEurHeart espère contribuer à améliorer l'efficacité des hôpitaux et des ressources de santé, permettant ainsi le traitement d'un plus grand nombre de patients dans des centres experts et non experts.