Dans la peau de l'utilisateur, Sébastien Rimbert s'entraîne à générer des IMK, en utilisant un scénario conçu pour OpenVIBE. Les modulations de son activité cérébrale sont traduites sous la forme d'une interface visuelle qui évalue sa performance et l’invite à s’améliorer.
"Une surprise, une grande fierté et une belle façon de marquer la fin de ma thèse." Sébastien Rimbert partage sa satisfaction. Ce postdoctorant de 31 ans, accueilli au Loria pendant sa thèse, a reçu ce mois d'octobre le titre de Best student paper du workshop sur les interfaces cerveau-machine à l'issue de la conférence IEEE SMC, rendez-vous international des experts en ingénierie des systèmes, interfaces humain-machine et cybernétique. Le jury a distingué son article de six pages coécrit avec Stéphanie Fleck, membre de l'équipe PErSEUs (université de Lorraine), et Laurent Bougrain, responsable de l'équipe Neurosys, commune Inria et Loria. Ces trois chercheurs collaborent depuis janvier 2020 dans le cadre de Grasp-IT, un projet innovant d'interface cerveau-ordinateur (Brain Computer Interface - BCI) soutenu par l'ANR et coordonné par Laurent Bougrain. Ce dispositif permettant d’envoyer des commandes à une machine à l'aide d'un casque muni d'électrodes est au cœur de l'étude présentée par Sébastien à l'IEEE SMC.
Améliorer l'apprentissage de l'imagination motrice kinesthésique
Contrôler par son activité cérébrale une main virtuelle qui presse une gourde remplie d'eau, toute aussi virtuelle. Voilà en résumé le type d'expérience menée par le jeune chercheur et relatée dans son article. Celui-ci ouvre de nouvelles pistes pour améliorer l'apprentissage et la réalisation d'une imagination motrice kinesthésique (IMK). "Cette tâche mentale consiste à se remémorer un mouvement en se focalisant non pas sur l’aspect visuel de l’exécution mais sur toutes les sensations perçues lors du mouvement réel : sensations du système nerveux vis-à-vis des contractions musculaires, sensations de pression ou de chaleur, perceptions cutanées, etc.", développe Sébastien. À qui peut bénéficier la réalisation d'une IMK ? "Aux musiciens ou sportifs de haut niveau qui souhaitent améliorer un geste très précis mais surtout aux personnes victimes d'un AVC." Pour ces dernières, l'exécution d'IMK peut en effet aider à améliorer la réhabilitation motrice en stimulant les zones lésées du cortex moteur.
Du mouvement réel à l'immobilité
"En l'absence de retours sensoriels, patients et thérapeutes ont besoin d'une information ludique pour savoir si l'IMK est correctement réalisée et ainsi améliorer la rééducation motrice" souligne Sébastien. C'est là qu'intervient l'interface cerveau-ordinateur Grasp-IT. Elle propose un retour visuel en 3D et en vue subjective invitant l’utilisateur à générer des IMK, à évaluer ses performances et à s'améliorer. Dans son article, Sébastien compare deux modalités d'apprentissage de l'IMK à l'aide de l’interface Grasp-IT : l'apprentissage par essais/erreurs et l'apprentissage progressif. Il souligne notamment les bénéfices de la seconde dans laquelle le sujet est guidé par un expérimentateur selon trois grandes étapes : ressentir le mouvement, "les yeux fermés, prendre conscience de toutes les sensations perçues lors de l'exécution d'une tâche motrice" ; ressentir l'IMK, "réduire progressivement son activité musculaire jusqu'à être immobile mais rester concentré sur les sensations" et enfin pratiquer l'IMK, "s'entraîner à réaliser des IMK à la demande de l'interface cerveau-ordinateur".
Aujourd'hui membre de l'équipe PErSEUs à Metz, Sébastien approfondit ses recherches sur l'imagination motrice kinesthésique. Après des recherches sur l'hypnose et les réveils peropératoires pendant une anesthésie générale, il contribue au développement de Grasp-IT pour la rééducation des patients victimes d'un AVC, en collaboration avec des chercheurs, des professionnels de santé et des industriels. "L'IMK n'est pas une tâche naturelle, nos travaux nécessitent beaucoup d'essais et de détermination mais toute une voie d'application est en train de s'ouvrir, au carrefour entre l'informatique, les neurosciences, la santé et la psychologie", s'enthousiasme le jeune chercheur.
En savoir plus
- L'article publié sur HAL-Inria intitulé Learning How to Generate Kinesthetic Motor Imagery Using a BCI-based Learning Environment: a Comparative Study Based on Guided or Trial-and-Error Approaches. Systems Man and Cybernetics 2020, par Sébastien Rimbert, Laurent Bougrain et Stéphanie Fleck, octobre 2020.
- Brain Computer Interface - BCI est un projet en partenariat avec le Loria (UMR 7503), PErSEUs (EA 7312, Université de Lorraine), le Service de médecine physique et de réadaptation (MPR) du CHU de Rennes, l'Institut régional de réadaptation (IRR) du Centre Lay St-Christophe, la SARL Alchimies, le CHU de Toulouse et les centres Inria Rennes - Bretagne Atlantique et Inria Sophia Antipolis - Méditerranée.
- Page web de Sébastien Rimbert