Inria décroche un quart des chaires ANR en IA

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Mis à jour le 19/11/2020
Élément clé du programme national pour l’intelligence artificielle, l’appel « Chaires de recherche et d’enseignement en IA (chaires IA) » a massivement distingué les chercheurs d’Inria. Avec les moyens substantiels obtenus, ceux-ci vont pouvoir développer des projets ambitieux dans des domaines stratégiques pour la France : santé, défense et sécurité, environnement... Retour sur les projets sélectionnés.

Le 29 mars 2018, en clôture de la journée « AI for Humanity », Emmanuel Macron a brossé les grandes lignes d’un programme ambitieux en matière d’intelligence artificielle. L’objectif est clair : la France doit devenir un hub mondial de recherche en intelligence artificielle (IA). Dans cette logique a été créé un programme de 40 chaires de recherche et d’enseignement, cofinancées par l’Agence nationale de la recherche, qui était également responsable de la sélection des titulaires. Sur un total de 173 propositions éligibles, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a retenu 12 projets Inria. Pour l’institut, l’obtention d’un quart des chaires en jeu est une véritable reconnaissance tant de la compétence de ses personnels scientifiques que du dynamisme interne d’accompagnement des projets.

Projets innovants en IA : de la santé…

La majorité des programmes retenus gravite autour d’applications santé. Trois d’entre eux sont portés par l’équipe de recherche Parietal, spécialisée dans la compréhension de la structure et de la fonction du cerveau à partir de données de neuro-imagerie. Ces projets (Karaib, LearnI et BrAIN) mettent ainsi à profit l’analyse statistique, la classification automatique et la combinaison de données multimodales pour, chacun à sa façon, faire avancer la recherche en neurosciences (pour plus de détails sur les équipes et leurs recherches, consulter le tableau). Avec une approche plus mathématique, le projet TopAI analyse la topologie des jeux de données et en extrait le sens statistique tandis que Bridgeable propose une compréhension fondamentale des réseaux de neurones.

Ces deux projets répondent à des enjeux d’aide au diagnostic et d’amélioration de l’imagerie médicale. Même type de contribution pour DeepCIM qui, partant d’un domaine pourtant différent – l’optimisation du traitement de l’image – trouve aussi des applications dans le domaine de la santé. C’est également le cas de Saida : ce projet trouve un débouché en diagnostic automatique à travers la lutte contre la vulnérabilité à certaines perturbations, volontaires ou non, des modèles informatiques de type « réseaux de neurones ».

… à la sécurité informatique

Le projet Saida se positionne à cheval sur un autre sujet stratégique, la sécurité des algorithmes, en s’intéressant à l’optimisation des réseaux de neurones pour contrer les attaques malveillantes. Dans la même ligne, Asap se concentre sur les outils de vérification et de certification des protocoles cryptographiques, ce qui demande d’améliorer les techniques de raisonnement automatique afin de passer à l’échelle. On touche là au cœur d’un des pans d’expertise d’Inria, comme le fait aussi AllegroAssai, qui cherche le meilleur compromis à appliquer pour l’apprentissage automatique.

Faire essaimer l’intelligence artificielle

D’autres projets abordent des enjeux plus isolés mais tout aussi essentiels : SourcesSay peut ainsi changer massivement la vérification des sources et la recherche de conflits d’intérêt. Quant à Humania, sa volonté d’ouvrir l’IA au plus grand nombre et son format novateur le positionnent au cœur des enjeux de science des données open source mis en avant par le gouvernement français.

La volonté affichée des chaires AI for Humanity d’encourager une science ouverte a d’ailleurs été un puissant facteur de motivation pour la plupart des porteurs de projet. L’accent mis sur la promotion des logiciels libres, la mise à disposition des outils développés et l’incitation au partage des données, parle particulièrement aux scientifiques d’Inria. Tout comme le montant de l’enveloppe allouée (lire en encadré), qui donne aux chercheurs une visibilité, appréciable et appréciée, sur la pérennité de leurs activités de recherche.

Un cofinancement stratégique

L’ANR ne fournissant que la moitié, au plus, du financement de chaque chaire, charge était laissée à l’établissement accueillant le candidat, et/ou à des cofinanceurs, d’apporter le reste des moyens. Une bonne occasion pour Inria de réaffirmer ses liens avec ses partenaires, industriels et académiques. De la petite entreprise à la multinationale, différentes sociétés et institutions ont ainsi exprimé leur intérêt pour l’expertise d’Inria, apportant notamment un soutien financier qui a parfois été déterminant.

Karen Bastien, présidente de Wedodata, startup de sept personnes spécialisée dans la visualisation de données qui collabore avec Ioana Manolescu (responsable de l’équipe Cedar et porteuse du projet SourcesSay), insiste sur « l’opportunité remarquable de pouvoir collaborer avec un laboratoire de renommée internationale quelle que soit la taille de son entreprise ». Ce partenariat est aussi l’occasion « d’être aux premières loges pour pouvoir beta-tester des outils inédits en pleine R&D ».

Même écho à l’institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen). Laurent Duval, chef de projet en sciences des données, apprécie de collaborer avec Jean-Christophe Pesquet (responsable de l’équipe Opis et porteur du projet Bridgeable) : c’est « d'un intérêt vital pour nos applications portant sur des ensembles de données rares ».

 

Un demi-million d’euros par chaire IA

L’un des points forts de ce programme est sans conteste son montant - autour de 500 000 d'euros pour chaque projet. Assuré pour quatre ans, ce financement assure un soutien supplémentaire à des projets déjà en place (comme c’est le cas pour ceux portés par Christine Guillemot, Steve Kremer ou Alexandre Gramfort). Il permettra aussi de recruter pour creuser un axe de recherche déjà entamé. La liberté donnée par cette chaire a également permis à certaines et certains de sortir largement de leur zone de confort pour explorer de nouvelles applications ou s’attaquer à des outils innovants. Dans tous les cas de figures, c’est l’investissement humain qui représente la destination principale, et parfois unique, de l’enveloppe demandée par les chercheurs Inria à l’ANR. Ingénieurs de recherche, doctorants et postdoctorants, cet argent est destiné à leur embauche ou à leur maintien en poste.