Robotique

ViSP : vers des robots toujours plus efficaces

Date:
Mis à jour le 29/10/2024
Conçue par des ingénieurs et des chercheurs d’Inria, la plate-forme en open source ViSP rencontre un grand succès en France et à l'international. Sa finalité : faciliter le développement de nouvelles applications robotiques qui s’appuient sur des techniques de traitement d’images et de simulation, grâce à un ensemble de briques logicielles. Explications avec ses concepteurs.

Un socle d’algorithmes pour piloter les robots

Comment est née la plateforme ViSP (Visual Servoing Platform) ? « Quand j'ai rejoint Inria en 1994, nous rencontrions un problème avec ce qu'on appelle le code jetable, développé par des chercheurs et des doctorants pour piloter des robots par la vision. Ce code n’était ni partagé, ni capitalisé, se souvient Fabien Spindler, l'un des trois principaux auteurs à l'origine de cette plateforme, développée et diffusée en tant que logiciel libre depuis une vingtaine d'années au sein du Centre Inria de l'Université de Rennes. C'est la première raison pour laquelle nous avons créé cette plateforme. Il s'agit d'une librairie modulaire, qui regroupe un socle d’algorithmes solides pour le prototypage et la mise en œuvre d'applications exploitant les techniques de traitement d'images, de suivi et d'asservissement visuel ». Ces technologies de suivi d’objets 2D ou 3D et d'asservissement visuel utilisent des capteurs de vision afin de contrôler les mouvements d'un système robotisé.

Le but de ces applications ? Par exemple, détecter et localiser des objets à partir d’images et de modèles 2D ou 3D. Spécialisée dans la robotique interactive et les robots à capteurs, l'équipe-projet Rainbow travaille notamment sur des solutions permettant de localiser un satellite en orbite (avec Trasys), ou une perche de ravitaillement s'approchant d'un fuselage d'avion (avec Airbus). Elle a aussi mis au point des solutions à partir de la vision pour faciliter l'assemblage robotisé d'une porte sur un châssis de voiture (avec ABB Barcelone), ou pour repérer et localiser les maladies et les problèmes à traiter en priorité dans les champs cultivés (avec Dilepix).

Une dynamique collective en robotique au bénéfice de tous

En toute logique, les quelque 50 membres de Rainbow sont les premiers adeptes de ViSP : ils l'utilisent pour créer des prototypes d'applications fonctionnant avec les matériels de plus en plus nombreux de la plateforme robotique Robstar : des bras manipulateurs, des drones d'intérieur, des fauteuils roulants électriques, des caméras industrielles… Et en vingt ans, plus d’une cinquantaine de doctorants se sont appuyés sur le code de ViSP pour mener leur thèse au sein du laboratoire de recherche IRISA – commun à neuf grands établissements, dont Inria.

Mais désormais, de nombreux autres laboratoires et entreprises adoptent également cette plateforme en open sourceAvec un objectif : tenter, eux aussi, d'améliorer leur façon de piloter des systèmes robotisés.

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Le partage en open source de cette librairie écrite en C++ – un langage de programmation qui a l'avantage d'être proche du langage machine et donc très efficace – constitue un gage de qualité. En effet, la communauté étendue d'utilisateurs nous aide à identifier des besoins et des points d'amélioration, et ainsi à perfectionner régulièrement les fonctionnalités existantes. 

Auteur

Fabien Spindler

Comment la recherche repousse les limites de la robotique

Faire interagir efficacement les robots et les objets

Aujourd’hui, de multiples innovations sont rendues possibles grâce à ViSP, le plus souvent pour piloter des robots utiles à la manipulation d'objets rigides, comme des boîtes ou des pièces automobiles. Pour sa part, Mandela Ouafo Fonkoua, doctorant au sein de l'équipe-projet Inria, s'intéresse aux systèmes robotiques qui permettent de manipuler des objets souples ou déformables, comme des mousses, des animaux ou des organes. Il a ainsi développé une technique qui rend possible la déformation d'une mousse à l'aide d'un robot manipulateur. 

Ses recherches, menées aux côtés de deux chercheurs de Rainbow, viennent d'être présentées dans  l'un des principaux journaux scientifiques sur la robotique, IEEE Robotics and Automation Letters.

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Parmi les applications possibles de ce type d'algorithmes, on pense déjà à des systèmes qui permettraient de prélever les filets des poissons à l'aide de robots, explique-t-il. Un autre chercheur de l'équipe a, lui, travaillé sur des outils qui pourraient déformer des câbles suspendus.

Auteur

Mandela Ouafo Fonkoua

Bientôt, des robots encore plus interactifs grâce à l’IA

Côté logiciels, ViSP s’avère complémentaire d’autres logiciels Inria, comme SOFA (pour la modélisation physique d’objets rigides et déformables) et Pinocchio (pour la commande prédictive). Au total, ViSP est composé de 18 modules logiciels. Ils aident notamment les chercheurs à utiliser les images captées pour la modélisation, la simulation et la localisation précise des robots et des objets.  Pour faire interagir avec encore plus d'efficacité ces robots et ces objets, les chercheurs introduisent dans leurs équations des lois de commande : « Elles indiquent au robot comment il doit faire évoluer sa trajectoire pour arriver à la position attendue, tout en tenant compte des données déjà mesurées (l'effet d'une action donnée sur un objet du même type...) et d'autres paramètres analysés en temps réel (la vitesse de l'objet, ses caractéristiques physiques…) », précise Mandela Ouafo Fonkoua.

Aujourd’hui, plusieurs challenges restent encore à relever. « Un ingénieur de l'équipe travaille actuellement sur une nouvelle version de notre outil de localisation et de suivi d’objets 3D, qui reste pour l'heure assez frustre, souligne Fabien Spindler. Cette nouvelle version devrait nous aider à considérer des objets beaucoup plus complexes qu'actuellement, comme des avions ou tout simplement des objets de la vie courante. » 

Autre défi : recourir aux atouts de l'intelligence artificielle, de plus en plus présente dans l'univers de la robotique. « De la même manière qu'il existe actuellement des algorithmes d'intelligence artificielle pour la détection des visages, nous souhaitons utiliser l'IA pour améliorer notre capacité à détecter et localiser les objets en 3D à partir d'images, afin de permettre à un système robotique de les manipuler plus efficacement », explique Fabien Spindler. Ce qui laisse entrevoir l'arrivée prochaine de robots encore plus interactifs et pleinement en phase avec leurs environnements.