Conférence - Adapter les algorithmes aux personnes souffrant de neuropathie auditive

Bien que la santé soit une préoccupation sociale majeure en France, beaucoup de personnes en situation de handicap rencontrent aujourd'hui encore des difficultés d’accès à des soins adaptés. Un enjeu sur lequel travaille Inria depuis de nombreuses années, au travers des recherches menées par plusieurs équipes-projets. 

50% des personnes malentendantes qui ont besoin d'appareils auditifs ne les utilisent pas, principalement en raison de leur faible efficacité dans des environnements complexes ou bruyants. Un constat à l'origine du projet REFINED, qui vise à proposer des algorithmes de traitement efficaces pour des pathologies ciblées (les neuropathie auditives).

Romain Serizel, maître de conférence à l'université de Lorraine et membre de l’équipe MULTISPEECH (équipe commune au Loria et à Inria) et le Professeur Paul Avan, Directeur du Centre de Recherche et d’Innovation en Audiologie Humain Institut de l’Audition, Institut Pasteur proposent ce mois-ci une présentation décomposée en deux parties : la première traitant des neuropathies auditives et la seconde des algorithmes de rehaussement de parole ciblés pour ces pathologies.

Que sont les neuropathies auditives et comment se manifestent-elles ?

Les surdités ont deux composantes indépendantes, une perte d'audibilité (on entend moins les sons faibles) et des distorsions (on comprend mal les sons qui semblent distordus). Schématiquement, la perte d'audibilité (cas les plus fréquents) est déterminée par les lésions des cellules sensorielles de la cochlée et les distorsions résultent de dysfonctionnements neuronaux plus rares (5 à 10% des cas). Ces dernières entités constituent les neuropathies auditives. Dans leur cas on entend bien mais on ne comprend pas, on ne détecte pas bien ni la mélodie, ni le rythme, ni la direction des sources.

Quels sont les objectifs du projet ANR REFINED ?

Le premier objectif du projet REFINED est de traiter les sons de parole dans les différents cadres de neuropathie auditive. Il s’agit en présence de sources sonores concurrentes de débruiter et clarifier la parole sans amplifier, en fonction des besoins individuels. Le deuxième objectif se concentre sur le portage des algorithmes de traitement de parole vers les cibles très contraintes en terme de complexité calculatoire et de consommation d’énergie que sont les aides auditives.

L’IA peut-elle représenter une révolution pour les patients souffrant de ces pathologies ?

On attend une évolution qui consiste à proposer aux patients des solutions adaptées à chaque besoin immédiat au lieu d'être toutes faites. Seulement une évolution (même si elle est nette) car le son traité par IA est envoyé dans un système auditif dysfonctionnant, qui va donc déformer les sons reçus même s'ils ont été mis en forme : résultat optimisé mais imparfait. Par ailleurs, cette évolution ne viendrait pas directement de l’utilisation de l’IA mais plutôt de la collaboration étroite entre les cliniciens et les informaticiens lors de la conception des algorithmes en s’assurant de toujours garder le patient au centre de ce processus de développement.